« Ne dévoyons pas la fraternité ! »

Lourdes, le 19 mars 2024

Evêques de France, rassemblés à Lourdes, lieu de prière et de solidarité avec les personnes les
plus fragiles, nous exprimons notre grande inquiétude et nos profondes réserves à l’égard du
projet de loi annoncé sur la fin de vie. Nous proclamons sans nous lasser que toute vie humaine
mérite d’être inconditionnellement respectée et accompagnée avec une authentique
fraternité. Avec beaucoup de nos concitoyens, chrétiens ou non, croyants ou pas, avec un très
grand nombre de soignants, dont nous voulons saluer l’engagement, la compétence et la
générosité, nous réaffirmons notre attachement à la voie française du refus de la mort
provoquée et de priorité donnée aux soins palliatifs.

C’est un impératif d’humanité et de fraternité que de soulager la souffrance et d’offrir à chacun
la fin de vie la mieux accompagnée plutôt que de l’interrompre par un geste létal. Notre idéal
démocratique, si fragile et si nécessaire, repose sur l’interdit fondateur de donner la mort.

Nous voulons exprimer notre grande proximité à l’égard des personnes en souffrance et nous
saluons l’engagement de celles et ceux qui prennent soin d’elles. Nous voulons être à leur
écoute et à leurs côtés, soutenant la fidélité des aidants et des proches. Nous sommes
impressionnés par les progrès des soins palliatifs. Le Conseil consultatif national d’éthique a
fait de leur généralisation la condition éthique préalable à toute évolution législative. Nous
sommes convaincus qu’ils peuvent et doivent se développer encore, quantitativement à
travers tout notre pays et qualitativement en continuant de répondre de mieux en mieux aux
douleurs encore réfractaires. Nous saluons la recherche qui, par solidarité, ne cesse de trouver
les meilleurs soins à apporter contre la douleur. Tout cela a un coût qu’une société
démocratique comme la nôtre s’honorera d’assumer.

Nous engageons tous les catholiques à s’impliquer davantage auprès des personnes en
situation de handicap, âgées ou en fin de vie : la demande de suicide assisté ou d’euthanasie
est souvent l’expression d’un sentiment de solitude et d’abandon auquel nous ne pouvons ni
ne devons nous résoudre. Plus la solidarité avec les personnes les plus fragiles progressera,
plus notre pays avancera sur un chemin renouvelé de fraternité, de justice, d’espérance et de
paix.

Notre époque, souvent habitée par la peur de la mort et le désir de prolonger indéfiniment la
vie, considère aussi les vies fragilisées comme dénuées de sens. Nous voulons affirmer que
toute vie, si fragilisée soit-elle, mérite d’être honorée jusqu’à son terme naturel.

Au milieu de tant de violences contemporaines, dans notre pays et à travers le monde, nous
appelons tous les chrétiens comme tous les hommes et femmes de bonne volonté à être
d’authentiques serviteurs de la vie de leurs frères et sœurs. Le message de Pâques, que chacun
peut accueillir à sa manière, est le triomphe de l’amour et de la vie sur la souffrance et le
sentiment d’abandon. Que l’espérance de cette lumière pascale éclaire et encourage tous nos
concitoyens et tous leurs représentants au seuil d’un débat décisif pour le présent et pour
l’avenir de notre commune humanité.